MARY ELLEN DAVIS
 
Français English
 
 
 

DOCUMENTAIRES

 

PRIX / ARTICLES

LE SONGE DU DIABLE

 
   
   

PRIX

Jury Prize 1993 - Festival Cinéma et Monde Rural, St-Flour, France

Silver Apple 1992 - National Educational Film & Video Festival, Oakland, Californie

Award of Merit 1992 - Latin American Studies Association

 

ARTICLES

Voir, du 26 mars au 1er avril 1992

24 IMAGES, Numéro 61, été 1992

Le Devoir, jeudi 2 avril 1992

 

* * *

Voir, du 26 mars au 1er avril 1992

Le Songe du diable

LES DERNIERS HUMAINS

Cinéma - Éric Fourlanty

Neuf millions d'habitants, plus d'un million de chômeurs, 45% d'analphabètes, 7% de mortalité infantile, 45 000 veuves, service militaire obligatoire et record mondial des assassinats politiques: le Guatemala n'a de la démocratie que les apparences. Dans Le Songe du Diable , Mary Ellen Davis a voulu donner, avec la collaboration d'une équipe locale, la parole aux Guatémaltèques, principalement les paysans, et surtout ces femmes, veuves pour la plupart, qui mettent au monde et élèvent de la chair à canon.

Le Songe du Diable est d'une grande sobriété. Aucun commentaire ne vient souligner ces images qui parlent d'elles-mêmes: une femme allaitant qui se demande ce qu'elle peut faire alors que son mari vient d'être tué; une reine de beauté soutenant que la drogue est le plus grave problème de l'heure; une petite fille, payée un dollar par jour pour ramasser du coton, qui explique, presque en s'excusant qu'elle a mal au dos parce qu'elle est toujours penchée.

Ce qui fait la grande humanité de ce documentaire, c'est qu'au-delà de la misère, de l'exploitation, de la famine, Davis montre aussi, par le biais de La Légion des 24 diables (une danse traditionnelle qui évoque les Mystères du moyen âge, joués sur les parvis des églises), la richesse d'une culture et d'un pays qui n'a pas attendu les militaires pour exister.

Jusqu'au 31 mars, voir calendrier cinéma répertoire

 

* * * Haut / top

24 IMAGES

la revue québécoise du cinéma

Numéro 61, été 1992

LE SONGE DU DIABLE

Gérard Grugeau

Cinéaste indépendante qui a travaillé pour le programme anglophone de l'ONF à l'époque où existait une aide artisanale octroyée aux cinéastes du Tiers Monde, Mary Ellen Davis connaît bien les dures réalités des pays d'Amérique larine. Avec Le songe du diable , son second film, elle s'intéresse plus particulièrement au drame du Guatemala. Au creux du propos: la mise en accusation d'un régime de terreur et d'exploitation qui, sous les apparences d'un État de droit formel, reste intimement lié aux intérêts de l'armée et de l'oligarchie terrienne, l'une et l'autre hostiles à toute vélléité réformatrice. Entourée d'une équipe technique guatémaltèque et salvadorienne, la réalisatrice procède à une radiographie documentée de ce pays à peine sorti du cauchemar de la dictature (politique de la terre brûlée des années 80) et aujourd'hui encore profondément marqué par les inégalités, le déplacement des populations indigènes, la répression, les assassinats politiques et les disparitions, Dans cet «enfer terrestre» au sein duquel la cinéaste isole une famille condamnée à casser des pierres comme au bagne, certaines voix dissidentes viennent toutefois briser le mur du silence: mouvement des veuves de disparus, contestation étudiante et paysanne, associations pour les droits de l'homme, adeptes de la théologie de la libération, guérilla toujours active. C'est toute cette mosaïque complexe d'une société sous haute surveillance que Le songe du diable s'efforce d'appréhender. Mais le film va bien au-delà du simple reportage journalistique. En structurant son récit autour de la danse des 24 diables, une manifestation populaire issue du théâtre religieux tel qu'il s'exprimait en Europe au Moyen Age, Mary Ellen Davis densifie son propos par la métaphore et se démarque d'un discours par trop rationnel et définitif pour embrasser la culture guatémaltèque dans toute sa richesse faite de contrastes et de paradoxes. N'édulcorant en rien la charge politique du propos, qui s'en trouve au contraire renforcé par une forme de distanciation malicieuse, l'utilisation comme fil conducteur de ces textes anonymes et collectifs, revisités chaque année à la lumière des turpitudes du siècle, apporte par ailleurs beaucoup à la dimension esthérique du film. De la parole multiple des diables (la condition humaine dans tous ses états) émerge l'un des grands principes de la vieille culture maya: retrouver l'équilibre perdu entre les êtres humains, ressouder les liens de fraternité. Un cri d'urgence que l'État terroriste ne semble malheureusement pas prêt d'entendre. (Qué. 1991. Ré.: Mary Ellen Davis. Recherche: Davis et Martin de Porres. Ph.: Guillermo Escalon. Mont. : Fernand Bélanger). 68 min. Dist.: Carrefour International. - G.G.

 

* * *Haut / top

Le Devoir, jeudi 2 avril 1992

Les 24 diables

CINEMA

Clément Trudel

Sur une population de 9,5 millions, 72 % des Guatémaltèques vivent dans une pauvreté extrême, selon le dernier rapport du Comité Inter-Eglises des droits humains en Amérique latine. Voilà la toile de fond du film Le songe du diable, de la réalisatrice Mary Ellen Davis, actuellement présenté au cinéma du complexe Guy-Favreau.

SUR UNE POPULATION de 9,5 millions, 72 % des Guatémaltèques vivent dans une « pauvreté extrême", selon le dernier rapport du Comité Inter-Eglises des droits humains en Amérique latine. Une telle toile de fond aide à faire comprendre l'insistance que met le Iilm Le songe du diable , de la réalisatrice Mary Ellen Davis, à nous parler d'une guerre secrète qui se déroule là-bas « pour étouffer la voix des pauvres"; guerre qui, durant la décennie 1980, a produit au moins 100 000 orphelins et 45 000 veuves que l'on accuse coutramment d'être des communistes ou des subversives . Le film, une coproduction de Système 'D' et de l'ONF, est présenté au cinéma ONF de la Place Guy Favreau jusqu'au 5 avril, avec en complément Les rues de San Salvador .

D'un côté, les paysans du Guatemala disent calmement qu'ils veulent des salaires décents pour pouvoir nourrir leurs enfants. De l'autre, quelques militaires, dont un haut gradé, nous expliquent comment un spectre pèse sur le Guatemala: une force qui entend combattre les bonnes traditions et coutumes d'un pays que les bourgeois définissent comme démocratique et libre. Un concours de beauté a couronné une "reine" qui se préoccupe de la drogue chez les jeunes et des problèmes familiaux; quand elle y pense bien, on parviendra, petit à petit, à corriger la situation de tant de gens de la campagne qui ne savent ni lire ni écrire. Ces paysans nous affirment n'avoir pas d'argent pour acheter les remèdes quand leurs enfants sont malades - le salaire mensuel d'un manoeuvre peut être de 25 $ et un seul vaccin peut coûter jusqu'à 5 $, rappellera le padre Tomas Garcia.

Le film a comme fil conducteur une danse traditionnelle remontant à l'Espagne médiévale (Les 24 diables) et permettant d'inculper carrément, sous couvert d'exorcisme, autant les présidents que les profiteurs qui rôtiront bien un jour en enfer. Cette liberté qui a besoin de se camoufler ne va pas sans risque; à l'université, des étudiants disparaissent parce que lors de leur "grève des douleurs" ils ont épinglé trop ouvertement les responsables de l'armée et du gouvernement.

Le montage est de ce point de vue accablant pour les dirigeants guatémaltèques, Vinicio Cerezo et les autres, que l'on nous montre presque uniquement lors de parades militaires. Le petit peuple, lui, est chargé à bord de camions, il gagne la Côte pour la récolte du coton ou se livre, en famille, à un travail exténuant de cantonnier. Ces autochtones guatémaltèques qui dénoncent les massacres sporadiques - que l'armée attribue automatiquement à la guérilla avec laquelle des discussions se sont amorcées l'an dernier - nous parIent parfois sur un ton que l'on dirait neutre. Il y a là une caméra. Des étrangers se glissent dans leur univers de douleur. À la question: qui a tué José Maria Ixcaya ? personne ne répond. Mais on a compris qu'à 5 h du matin, un premier mai, ce leader du Conseil des communautés ethniques (CERJ) a été exécuté comme tant d'autres auparavant.

Les pancartes du premier mai, dans la capitale, affichent la légitimité d'une lutte paysanne «pour la vie, pour la terre et pour le travail". C'est à la fois élémentaire et essentiel dans ce pays où tant de gens humbles attendent que la promesse d'une vraie démocratie se concrétise, et que disparaissent « le chagrin el l'effroi" que décrivait Maurice Lemoine en décembre dernier dans le Monde Diplomatique.

 

DÉTAILS

© Mary Ellen Davis

      Haut / top